Camille Germser et ses précieuses

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la programmation

« Je me souviens lorsque j’ai entendu ce titre pour la première fois. J’ai pensé qu’il y avait déjà là tout un tableau, en deux mots. Avec « précieuses » et « ridicules », on peut mettre des plumes et des choses qui brillent, du strass, des paillettes. Voilà qui me plaît. Ajoutons à cela l’effet exquis du travestissement, puisque la gent exclusivement féminine de la Boulangerie interprétera les rôles féminins et masculins, et nous voici entre cabaret interlope et Lido bien pensant. »

Camille Germser, metteur en scène, notamment du spectacle Showtime ! présenté en septembre dernier à l’Avant Seine, revisite Les Précieuses ridicules de Molière avec plumes et paillettes. Il nous livre avec beaucoup d’humour sa vision de la pièce et ses choix d’adaptation.

Pourquoi avoir choisit d’adapter ce classique de Molière ?
Mes comédiennes sont de vraies précieuses. Je veux tenter de leur en faire la démonstration. Lourde tâche, mais rien n’est impossible. Et pour tenter l’impossible, il faut oser le ridicule. Et le ridicule ne tue pas, ça, on le voit bien partout.

Au fond, ça parle de quoi Les Précieuses ridicules ?
Ça parle de codes insignifiants qui deviennent des codes sociaux.
Ça parle du vrai et du faux.
Ça parle de connerie, de phallocratie. Du retour de la Déesse Mère.
Ça parle de mode, d’illusion, de tromperie.
Ça parle de quête illusoire.
Ça parle surtout de se faire passer pour ce qu’on n’est pas,
(ou de se cacher pour ne pas être soi).
Ça parle de la belle et la bête humaine, d’insatisfaction.
Ça parle d’échec, de résignation et de renoncement.
Ça parle d’ennui, de vide, et finalement pas du tout d’amour.
Ça parle de marxisme.
Ça parle de désillusion et de séduction, de prosélytisme et de corruption.
Et ça parle de la crotte dans Paris ! Scène 9 !

Et que racontent vos précieuses ridicules ?
Pas grand chose. Elles vont surtout se goinfrer, manger la scène. Elles ont les dents qui raient le plancher. Elles ont faim de gloire, elles sont avides de succès.
Nos précieuses sont instables et changeantes, calculatrices et mielleuses (mais au fond naïves et sottes), comme de jeunes actrices à qui l’on aurait fait miroiter d’alléchantes perspectives de carrière pour mieux approcher le vedettariat. Adolescentes en crise et fashion victims (pour les affubler de termes actuels), elles ont bien quelques intentions de manières délicates et raffinées. Mais elles s’oublient trop vite et trahissent leur vraie nature de jeunes premières, serviles et déterminées ; ces manières deviennent alors tapageuses et vulgaires.

Et la place la musique dans tout ça ?
Sa place originale, c’est-à-dire celle des ballets qui séparaient certaines scènes, en guise d’interludes. La partition musicale de ces Précieuses ridicules est une création originale.
À l’image de ces pimbêches qui singent la préciosité, il s’agit de répondre aux codes et aux espérances, non plus des personnages, mais des comédiennes en scène.
La musique crée l’illusion et restitue la fiction. Elle sert le rêve de ces actrices. Elle est le pilier de la dimension parodique. Tous les clichés sont autorisés. Si l’on fait ici miroiter le clinquant du music-hall, c’est la fronde aguicheuse et criarde qui nous entrainera. Si l’on doit conquérir Broadway, alors nous brandirons les cuivres et les rengaines aux rythmes jubilatoires et expansifs. Enfin, si Hollywood se trouvait sur le chemin, tâchons surtout de ne pas contrarier les blockbusters. Voilà le point de mire que nos actrices ne quitteront pas
des yeux une seule seconde, avec toute l’avidité que le magnétisme des médias de l’image doit à la musique.

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