Molières 2o2o : Simon Abkarian triomphe !

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Triomphe pour Électre des bas-fonds ! La pièce mise en scène par Simon Abkarian, a remporté trois Molières lors de la cérémonie qui s’est tenue le 23 juin dernier. Rencontre avec le comédien à quelques heures de son sacre.

Pourquoi aviez-vous choisi de réécrire et mettre en scène la tragédie d’Électre 

Je voulais d’abord remettre le féminin au centre de cette création. Le personnage d’Électre revêt ainsi des attributs masculins tandis que son frère Oreste, parti très jeune de son pays, a grandi dans une communauté de femmes avant de devenir danseuse des rues. Et c’est travesti qu’il revient venger la mort de leur père.

Je voulais aussi que le chœur, composé de captives troyennes que les Grecs ont contraint à se prostituer, fasse entendre son histoire de paradis perdu. C’est rarement le cas au théâtre, même si bien entendu, Eschyle, Sophocle ou Euripide l’ont fait ! Le lyrisme, la poésie et la portée concrète de l’écriture ont constitué le terreau qui m’a inspiré.

Qu’y avait-il dans vos choix de mise en scène, que vous aviez le sentiment de ne pas avoir vu ou entendu ailleurs au théâtre ?

Le chœur, déjà, à partir duquel j’ai pensé ce spectacle en le plaçant au centre de mon travail. Il doit être consistant, car il s’agit d’une petite nation. Il faut du monde sur le plateau. Mettre en scène vingt-cinq personnes était une gageure à l’heure où nous sommes sommés de réduire, réduire, réduire, pour qu’un spectacle tourne à moindre frais…

Mais qui ne tente rien n’a rien ! Alors nous avons tenté, sans argent, grâce à l’accueil du Théâtre du Soleil. Tout le monde a accepté de répéter deux mois sans être payé, nous avons travaillé avec le trio Howlin’ Jaws dont c’était la première au théâtre. Je voulais aussi de la musique : dire la tragédie sans musique, revient à courir sans poumon. C’est irrespirable. Et qui dit musique dit chant, danse… tout ce que l’on retrouve ici.

Vous n’auriez pas pu le faire ailleurs qu’au Théatre du Soleil ?

Ariane nous a ouvert ses portes et offert un endroit totalement fonctionnel, des cuisines au plateau, en passant par les projecteurs. On a d’abord encaissé les recettes sans reverser un centime, nous payant ainsi. Ce qui fait de nous tous des coproducteurs et coproductrices du spectacle, pour parler vulgairement !

Aucun autre lieu n’aurait pu nous accueillir ainsi, car malheureusement les scènes nationales, les théâtres nationaux ou municipaux ou les centres dramatiques nationaux doivent composer avec un cahier des charges contraignant. Nous avons joué six semaines. Le public a répondu présent et une tournée va démarrer fin 2020 pour quatre mois. Les dates n’ont pas été impactées par la crise sanitaire.

D’où vous vient ce besoin de revenir sans cesse au théâtre ?

À la télé ou au cinéma, je désapprends vite. Le septième art s’est plié à un réalisme rampant et fatigant, on vous demande de faire ce que vous savez faire, d’être efficace immédiatement. C’est « action, tournez, et au revoir ». Je viens du théâtre et j’ai besoin de revenir à ce lieu de l’imaginaire. J’aime pouvoir travailler la mise en forme, prendre le temps du questionnement et de la gestation, me confronter à des œuvres bien plus grandes que nous. Mais ce qui définit profondément le théâtre, ce sont aussi le collectif, la troupe, ces hommes et femmes avec qui on conçoit, on partage, on rit et pleure à la fois.

 

Entretien réalisé par Télérama et à retrouver en intégralité sur Télérama.fr