«Quand on est môme, on fait The Voice et on part dans une carrière qui risque d’être courte» [Nicole Croisille]

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Grande vedette des années 80, Nicole Croisille est à l’affiche de L’Opéra de Quat’sous, nouvelle production de l’Opéra Éclaté, où elle incarne l’implacable Mme Peachum. Dans cette entretien réalisé par Pierre Mathieu pour le magazine La Dépêche, elle nous parle de son rôle, de sa carrière…

Qu’est-ce qui vous fait remonter en scène ?

Nicole Croisille : Je le dois aux bonnes intentions d’Olivier Desbordes : il me propose des rôles de composition qui m’amusent beaucoup et me permettent de sortir du personnage de Nicole Croisille que les gens connaissent. On est un peu dans le même esprit que «Cabaret», qu’on avait donné à Blagnac pendant cinq jours, et j’ai encore un rôle de harpie ! Il s’agit là de chanter du Kurt Weill, c’est un peu plus difficile, mais je me régale, d’autant qu’on est sensiblement la même troupe et qu’on forme une petite famille.

Comment devenir une harpie ?

N. C. : J’amène mon savoir-faire et mon énergie et j’ai un culot qui s’est renforcé avec les années… Mon personnage, Mme Peachum, est jalouse de sa fille qui épouse Mackie, le roi des bandits, dont elle-même est amoureuse, il va y avoir vengeance.

L’Opéra de quat’ sous est plus sombre que Cabaret

N. C. : Oui, c’est la même période, mais c’est quand même du Brecht, qui ne faisait pas du théâtre juste pour raconter des histoires, il balançait aussi ses idées sur la société et son horreur du capitalisme.

Aimez-vous la vie de troupe?

N. C. : Oui, c’est comme ça que j’ai commencé, comme danseuse et pour moi c’était la vie normale. Je me suis trouvée embarquée ensuite dans une carrière de soliste, que j’ai embrassée de toutes mes forces parce que c’était une belle aventure, mais je vis là un retour aux sources, à 80 ans.

Et vous rêviez d’une carrière à l’américaine ?

N. C. : Oui, mais il a fallu que je sois entêtée ! On ne m’ouvrait pas les portes du fait que je savais faire trop de choses. En France on est persuadé qu’on ne fait bien qu’une chose, alors qu’on ne fait bien que les choses pour lesquelles on travaille !

Polyvalente vous le restez : on vous a vue au cinéma dans La cage dorée ?

N. C. : Le directeur de casting me connaissait depuis longtemps, il m’a proposé au metteur en scène, Ruben Alves, un fan de 33 ans qui chantait tout le temps «Téléphone-moi» ! Le rôle a été remarqué, mais sachez une chose : personne ne m’a proposé de film depuis !

«Téléphone-moi», ou «J’ai besoin de toi, j’ai besoin de lui»: ces succès faisaient le portrait d’une femme adultère, ça n’a pas choqué?

N. C. : Je m’attendais à ce que ça fasse scandale, mais il n’y en a pas eu. Les musiques étaient tellement fortes que les gens les ont adoptées sans faire très attention à ce que ça racontait, ça prouve aussi que la société évoluait. Avec mon directeur artistique, notre idée était de montrer l’image d’une femme libre, assumée, qui ne dépend que de ses choix… Quand le succès est arrivé, j’avais quarante ans, je pouvais avoir le langage d’une femme qui parle aux femmes.

Qui parle aussi aux hommes. Lambert Wilson vous a voulue dans son émission chez Drucker ?

N. C. : On a des points communs avec Lambert, il a toujours travaillé sa voix et ses capacités physiques. Quand je l’ai vu dans Le roi et moi au Châtelet, il était superbe, à près de 50 ans ! Quand on est môme, on fait The Voice et on part dans une carrière qui risque d’être courte. On les pressure comme des citrons et c’est difficile pour eux parce qu’ils n’ont pas le temps d’aller apprendre ce qu’ils ne savent pas encore faire.

Vous avez chanté «La Garonne», mais ce n’était pas du Nougaro !

N. C. : C’est vrai ! J’ai été la première à chanter une chanson sur la Garonne, et Claude l’avait remarqué. J’ai adoré cet homme-là, il est l’auteur parfait et un des rares artistes, avec Gainsbourg, qui survivra au temps. J’ai voulu lui rendre hommage, et un an et demi après sa mort, j’ai monté un spectacle Nougaro, en accord avec sa femme.

Si Desbordes ne vous avait pas appelée, auriez-vous eu un autre projet ?

N. C. : Je ne suis pas sûre. On ne m’appelle pas, on m’appellera peut-être… Quand Olivier Bénézech a mis en scène Follies à Toulon, j’étais la seule Française dans une distribution exclusivement anglaise. J’y suis allée en courant.

Propos recueillis par Pierre Mathieu / LaDepeche.fr > lire l’article

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