dans
la programmation
Parce que la nuit, tous les chats sont gris, mais qu’il est permis de rêver haut en couleur. Parce que la nuit, tout devient possible, tout se mélange, et rien n’est jamais tout à fait ce qu’il semble être… Parce que dans la nuit, avec sa promesse de réconfort et de mystère, on se réjouit que quelques-uns sachent encore briller dans l’obscurité.
Et pour tout cela il serait fou de décliner cette proposition simple, qui touche au cœur de l’expérience théâtrale : traverser la nuit, en compagnie d’un spectacle.
A celles et ceux dont le sommeil a maintes fois laissé rencontrer la nuit et pour qui cette dernière n’a plus de secret, laissez-la vous surprendre encore. Aux grands dormeurs qui ne connaissent pas très bien ce qui se joue pendant que la Terre poursuit sa ronde, osez la rencontre. Ce spectacle hors du commun est pour tout le monde, à condition de se prêter au jeu, rarement suggéré, d’être un rêveur de plus parmi tant d’autres. Les maîtres en l’art restant Hervée de Lafond et Jacques de Livchine.
Les maîtres du rêve
Ces deux artisans du chaos, rêveurs invétérés, ont fait d’un amour du risque et du bon mot, leur terrain de jeu. En 1972, ils fondent aux côtés de Claude Acquart Le Théâtre de l’Unité qui plante les bases d’un théâtre de rue, vivant et populaire, en reprochant au théâtre classique de bouder les non-initiés.
De créations en créations, ils marquent les rues du monde entier de leur talent et de leur générosité. Ils parcourent les vies, les histoires et même les forêts ! Leur liberté, leurs réinventions, et leur art font naître la beauté dans chaque instant.
Ensemble ils ont planté des graines, parfois au hasard, parfois avec une précision d’horloger pour que surgisse l’âme habitée du spectacle vivant.
Fragments d’un discours étoilé
Ce sont des dizaines d’années de recherche, d’échecs, de petites victoires, de rêves, d’essais qui viennent se cristalliser dans une nuit de tendresse, de folie douce, de musique, de costumes et de mots… Autant de travail pour que naisse une œuvre ouverte, éclatante et infiniment touchante. Ou l’aboutissement d’un long chemin durant lequel ces artistes chercheurs ont bâti des horizons qui permettent aux songes de s’inviter sur scène.
Quand le public, duvet et oreiller sous le bras, arrive dans ce qui a tout l’air du début d’un grand voyage, il est choyé, invité à rejoindre son couchage du jour et se voit même proposé un compagnon en peluche, symbole absolu du réconfort. Ensuite libre à lui, de s’asseoir, s’avachir, s’allonger… Pourvu qu’il se laisse guider.
Ici, chaque heure est une promesse de poésie ou de confidences, de chansons, de fragments d’une histoire qui se dévoilent sous plusieurs facettes et thématiques. Un enchaînement qui défile sans ordre, ni hiérarchie. Parce que ce spectacle, c’est avant tout un rêve en mouvement, une constellation de moments fugaces qu’il ne tient qu’à chacun de rassembler, de confondre avec la réalité, car comme dans les bons spectacles, la frontière entre les deux se veut floue, pour rendre ce moment, bientôt souvenir, unique.
Sans doute que vous ne verrez pas tout, mais vous aurez tout vécu.
Un dernier tour de piste
Si La Nuit Unique n’a déjà rien d’un simple spectacle, il revêt une tournure exceptionnelle quand on sait que celui-ci jouera pour nous son dernier acte. Accueillir à la fin d’une saison, la fin d’un spectacle, c’est une conclusion qui, si elle n’est pas un adieu, ressemble à s’y méprendre à un sacré au revoir. On s’appliquera à y voir, aussi, une forme de commencement, après s’être offert une chance de voir le monde sous un autre jour.
La dernière Nuit Unique dans le grand théâtre du monde. Un dernier tour de piste avant de refermer le rideau…
Même si l’art, tout comme les rêves, ne connaît pas de fin, ne loupez pas cette invitation à saisir cet éclat singulier et précieux qui se dissipera dans la lumière du matin.
Justine Komé